le participatif financier: "Redéfinir l'engagement financier"

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André Jaunay
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13 Janvier 2023
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5 Minutes

La croissance du financement participatif transforme les relations financières et ouvre de nouvelles perspectives d'accomplissement personnel. Découvrez comment les épargnants soutiennent directement les projets et entreprises, favorisant la responsabilité et la confiance.

La croissance forte des relations financières directes entre les épargnants et les projets et jeunes entreprises révèle une transformation profonde des comportements et ouvre des perspectives en termes d’accomplissement personnel et de traitement des défis sociaux et de la transition. Il y a quelques jours ont été fêtés les 10 ans de Financement Participatif France qui réunit les acteurs du «crowdfunding». Cet anniversaire fait écho à celui de France Angels (20 ans en 2001), qui réunit les réseaux de business angels.

I l y a certes des différences entre ces 2 mouvements, mais on peut leur trouver un sens commun, celui de l’ouverture progressive à l’ensemble de nos compatriotes de la capacité à décider soi-même des projets et entreprises destinataires de son épargne. Dans nos sociétés protectrices on est porté, insensiblement, à réserver les prises de décisions essentielles à un nombre réduit de personnes (experts, élus, administrateurs, gestionnaires de fonds, etc.). La masse des individus étant invitée à se cantonner à des statuts dans lesquels les perceptions de la réalité sont étriquées (consommateur, électeur, contribuable, participant aux jeux de hasard, détenteur d’un compte bancaire, contributeur à divers fonds, etc.). Cette dé-responsabilisation présente évidemment des inconvénients sur le plan de l’accomplissement personnel, mais aussi pour le bien commun, parce que les logiques collectives ont des limites intrinsèques.

Prenons l’exemple de la finance verte. Confier son argent à un fonds sur une promesse vertueuse, c’est risquer une tromperie : Rapport de l’Inspection Générale des Finances : «… à moins qu’il n’évolue rapidement le label ISR s’expose à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence car il fait à l’épargnant une promesse confuse»… les fonds ISR labellisés en France c’est 461 milliards d’€ fin 2020, Étude de l’ONG Influence map : «71% des 593 fonds commercialisés avec mots-clés ESG climat (265 milliards d’euros d’actifs) sont en contradiction avec l’accord de Paris» (https:// financemap.org/climate-funds-data), Voir aussi l’ouvrage «L’illusion de la finance verte» de Lefournier et Grandjean.

A l’inverse, l’individu qui finance directement un projet dispose d’informations et de capacités de suivi incomparables. Le lien direct, la proximité et l’intensité du choix (et du risque pris) confèrent à la relation directe des vertus particulières : le suivi, le respect des engagements et des finalités sont mieux assurés, sans qu’il soit nécessaire de réaliser de coûteuses évaluations ni d’établir d’illusoires labels. Les individus entrepreneurs et financeurs des projets en créations ont une qualité supplémentaire : ils sont prêts au risque, au pari, à l’aventure entrepreneuriale. Ne demandez pas à un banquier, à un gestionnaire de grands fonds, serait-il «expert», de prendre un risque. Là où la froide logique d’investissement et l’image professionnelle prévalent, point d’initiatives pionnières, on attend que le marché ait très clairement fait le tri entre les projets. L’innovation et la compétitivité ont pourtant le plus grand besoin des tâtonnements entrepreneuriaux, qui vont permettre de sélectionner les pépites et belles entreprises futures.

Proposer des dispositifs dans lesquels chacun peut être en situation d’apprécier les destinations et conséquences finales de ses actions, et en situation de désirer, de connaître, de choisir, d’agir, de suivre les projets, les initiatives et les créations entrepreneuriales, etc., c’est favoriser l’accomplissement des personnes et, l’expérience l’atteste, c’est aussi contribuer au traitement des défis du moment : les individus responsables vont massivement soutenir, sans qu’il soit nécessaire de leur asséner les prêches habituels, les projets et entreprises qui traitent ces défis !

L’étude de Financement Participatif France sur les motivations des contributeurs souligne la part très majoritaire de ces choix dits «aspirationnels» (enquête FPF 2018). France Angels et ses réseaux, puis Financement Participatif France et ses plateformes ont contribué à cette redistribution des responsabilités. Il y eut une conjonction étonnante dans cette histoire. Au sein de France Angels, nous avions remarqué, quelques années avant 2010, qu’une catégorie nouvelle de personnes, aux moyens financiers inférieurs à ceux des business angels classiques, souhaitaient également investir. Il y avait «une demande» que nous ne savions pas traiter. Et, très peu de temps après, est apparue Wiseed, la 1ère plateforme dédiée au capital (au monde !), qui apportait précisément une solution à ces «petits investisseurs» et aux jeunes pousses ! Tout cela alors que les plateformes de dons apparaissaient également. Les porteurs de solutions (plateformes numériques) avaient pressenti le besoin croissant de responsabilité des porteurs de projets et des épargnants. Les institutions publiques -Fleur Pellerin est à citer- jouèrent parfaitement le jeu pour adapter la réglementation. Les motifs allégués jusque-là pour interdire ces relations directes, le manque de discernement des épargnants ordinaires, les garanties qu’apporteraient les fonds ou approches collectives, les risques de dévoiements, etc., tout cela fut balayé ! L’expérience a confirmé la pertinence de ce pari dans les énergies personnelles et collectives : les risques que la réglementation antérieure était censée éviter n’étaient pas avérés !

Il est remarquable qu’un tel pari, celui de la confiance dans les capacités et la responsabilité de nos compatriotes, se soit avéré positif. Si la couverture géographique des réseaux de business angels et leur activité progressent, si la finance participative touche désormais une part significative de la population (2 milliards d’€ en 2021, soit + 84%/2020, et 4,1 millions de Français en 2021, dont 26 000 apporteurs de capitaux), des marges de progrès considérables restent possibles. Nul ne peut désormais ignorer qu’il peut orienter son épargne, et que, s’il ne l’oriente pas lui-même, des intermédiaires s’en chargeront, pour des finalités qu’il n’aura pas choisies. Cette maîtrise peut également s’opérer à l’échelle territoriale : l’épargne, actuellement croissante, est de plus en plus engagée à l’extérieur du territoire (de 29% à 43% en 20 ans, selon une étude de la Banque de France). Ceux des territoires qui intègrent cette responsabilité d’orientation vers les projets locaux (Corrèze, Ardèche, Auvergne-Rhône-Alpes, etc.) obtiennent des résultats significatifs.

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